Révolte en Islande, en Espagne et au Brésil

 - Quelques révoltes post 2008 -

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Islande 2010: la « révolution des casseroles »

A la veille de la crise du capitalisme de 2008, l’Islande était classée au 5ème rang mondial en PIB par habitant. Après la crise 70% de toutes les compagnies et 40% des ménages se sont retrouvés techniquement en faillite.

Confronté alors à la faillite brutale du système bancaire, les principales banques islandaises ont été nationalisées, puis le peuple est descendu dans la rue, a chassé le gouvernement de droite qui a dû céder la place à  un gouvernement de coalition de gauche.


En cherchant avec obstination sur internet, on finit par trouver des images du palais présidentiel assiégé par une foule qu’on pourrait qualifier d’anarcho-autonome. A la différence de la Grèce, la foule est restée pacifiste, n’usant que de casseroles et autres objets bruyants pour chasser le président de droite (il a fini par démissionner).

Un nouveau gouvernement de gauche (libéral) s’est donc formé, mais, quelques temps plus tard, celui-ci a eu la mauvaise idée de proposer le remboursement de la dette des banques vis-à-vis du Danemark ou de la Grande Bretagne. Le peuple est donc de nouveau descendu dans la rue. Un référendum sur la question fût imposé par volonté populaire. Résultat : 93% rejetait l’accord prévu!

Le peuple a ensuite imposé l’élection d’une nouvelle Assemblée constituante  composée de  25 « simples citoyens », le 27 novembre 2010, événement que l’on pourrait comparer (un peu abusivement) à notre nuit du 4 août 1789 où avait été votée l’abolition des privilèges. Ces simples citoyens, parmi lesquels aucun politicien professionnel n’eu le droit de figurer, vont bientôt plancher, à partir de février 2011, sur une nouvelle constitution en tirant, notamment les leçons de la crise financière de 2008.

Alors que commence à gronder dans l’Europe entière la colère des Peuples pris à la gorge par le rouleau-compresseur capitaliste, l’actualité islandaise nous dévoile un autre possible: la reconquête démocratique et populaire du pouvoir, au service de la population. Bien sûr ils n’en sont pas encore là, le gouvernement de gauche qui veut rentrer dans l’UE (et devra donc se plier à certaines règles) est encore au pouvoir mais cette future constitution peut modifier la donne… affaire à suivre !

Merveille de la désinformation: un événement aussi considérable qu’une véritable révolution démocratique peut se produire en Europe,  sans que la presse ne daigne s'y intéresser (dans son immense majorité).

 

Ps : Concernant l’assemblée, il y a eu d’abord un appel à candidatures (tout le monde pouvait se présenter à l’exception des élus nationaux, à condition d’avoir dix-huit ans révolus et d’être soutenu par au moins trente personnes) auquel ont répondu 522 citoyennes et citoyens. C’est parmi eux qu’ont été élus les 25 constituants. Ces derniers commenceront à se réunir à la mi-février 2011 et rendront leur copie avant l’été. Parmi les propositions qui reviennent le plus souvent, on peut noter la séparation de l’Église et de l’État, la nationalisation de l’ensemble des ressources naturelles et une séparation claire des pouvoirs exécutif et législatif.

PPs: Rapprochement possible avec la pensée zapatiste qui prône la révolution démocratique contre le néolibéralisme, par le bas, et non pas, par une avant garde soit disant éclairée, constituée de politiciens et d’intellectuels . 

 

 

 

 

 

Espagne 2011, Democracia Real Ya: nous ne sommes pas antisystème, c'est le système qui est anti-nous!

Voici, l’un des slogans que l’on peut lire sur la Puerta del Sol à Madrid, où depuis le 15 mai 2011, des milliers de manifestants campent pacifiquement en réclamant un nouveau modèle de société. L’esprit révolutionnaire qui a parcouru l’Islande puis le monde arabe ces derniers mois arrive aujourd’hui en Espagne. Mais souvenez vous (cf chroniques du zapatisme), il y a 17 ans déjà, à la surprise général, des indiens mexicains, les zapatistes, déclaraient la guerre au capitalisme moderne et proposait un autre modèle de société basé sur l’élaboration d’une démocratie réelle.

A Madrid, les manifestants s’appellent les indignados (reprenant un terme utilisé notamment par les zapatistes et Stéphane Hessel). La mobilisation générale se veut apolitique, organisée et pacifique. Contrairement à ce qu'affirment les politiques et les médias, ce ne sont pas juste des jeunes antisystème. La foule que l'on peut voir rassemblée à Madrid et dans d'autres villes est composée de toute sorte de gens, qui manifestent un ras-le-bol généralisé du type de société que l'on nous propose. Après l’Islande, la Grèce, le Portugal, ces gens refusent que l’Espagne hypothèque son futur pour payer la fraude des Banques avec la complicité des hommes politiques. Bref, pour eux, le logiciel Démocratie 1.0 est dans l’impasse, il est temps de passer au 2.0 et pas seulement en Espagne. Car, comme le dit un des portes paroles de « Democratia Real Ya » : « On est à Madrid, mais nous sommes un mouvement de critique mondiale. Alors, à la Puerta del Sol ou ailleurs, on continuera…».

Alors pour conclure, on peut se poser la question pour savoir si comme en Tunisie et en Egypte, les Nations occidentales pourraient, elles aussi, reprendre leur souveraineté des mains des tyrans masqués qui les dominent. Chez nous, en occident, les tyrans masqués ne sont pas incarnés par des dictateurs mais par les Banques et par le Marché, qui ont, depuis longtemps, subtilisé le pouvoir à l’Etat. Ce pouvoir transnational, illégitime et non-élu, dicte ses règles et ses lois avec une facilité déconcertante. Notre bon vieux bipartisme gouvernemental gauche-droite qui entretient un semblant de démocratie, n’est plus, désormais, qu’un petit laquais, un parfait serviteur de ce pouvoir financier. Alors même si le combat contre cet énorme pouvoir financier est incroyablement difficile, on peut déjà commencer à s’attaquer à ceux qui le servent, c'est-à-dire à l’état (enfin à ce type d’état) comme le font les zapatistes depuis 17 ans… et ils semblerait qu’ils ont participé à semer quelques graines qui commencent à germer un peu partout.

Moi personnellement, contre le monstre néolibéral, je propose une méthode à la Michel Blanc dans les bronzés : «oublie que tu n'as aucune chance, vas-y, fonce, on sait jamais, sur un malentendu ça peut marcher ».

 

Brésil: révoltes de 2013 et de 2014

Comme dans toute manifestation importante, toute révolte, ou révolution, il suffit d’une étincelle pour que tout explose subitement. Mais pour qu’il y ait explosion, il faut tout d’abord un explosif, et l’explosif dans tous les cas, se sont les frustrations engendrées par les injustices sociales.

Au Brésil le détonateur a été l’augmentation du prix des transports publics qui a fait écho à l’augmentation général du coût de la vie, dans un pays où le salaire minimum mensuel est de 200 euros alors qu’un enseignant par exemple gagne moins de 300 euros par mois. Quand on sait qu'un ministre gagne plus de 5600 euros par mois,  que la corruption est très importante, que le mondial de football a engendré des dépenses pharaoniques de plus de 11 milliards d’euros jusqu’à maintenant et que parallèlement il manque beaucoup d’argent pour permettre l’accès pour tous à la santé, à l’éducation, à un logement décent, on comprend pourquoi plus de 100 000 personnes ont défilées à Rio, jusqu’à la prise d’assaut du parlement. Ce qui est intéressant c’est que, comme en Europe, en Turquie, en Tunisie, aux Etats-Unis, les manifestations ont été spontanément organisées par une jeunesse non contrôlée par des partis politiques, sans que personne n’ai envisagé ces explosions. 

Mardi 22 avril 2014 un célèbre danseur et DJ de la favela de Copacabana a été battu à mort par une unité de la police pacificatrice de Rio. Les flics l’auraient confondu avec un dealer. En réponse à ce massacre, le lendemain des émeutes ont commencées dans la favela et un homme a de nouveau été tué, mais cette fois d’une balle dans la tête. Apparemment c’était un déficient mental qui n’avait pas compris un ordre de la Police. Lundi 28 avril 2014, un jeune homme a de nouveau été tué par la police, dans une favela du nord de la ville, il aurait pris une balle perdue lors d’un échange de tirs entre flics et trafiquants. En réponse : cinq bus ont été incendiés dans cette favela, 3 dans une autre favela.  Suite à l’intervention de la police, une femme de 72 ans a cette fois trouvé la mort ! Sans doute une dangereuse délinquante ! Le lendemain mardi 29 avril, à Sao Paulo cette fois des affrontements entre SDF et Flics ont eu lieu (dont des membres du Mouvement des travailleurs sans abri). 1 millier de manifestants se sont rassemblés devant la Mairie pour protester sur le report d’un débat concernant le nouveau plan d’urbanisme de la ville (qui devrait viser notamment à construite des logements pour les plus pauvres). En fait, ces violences s’inscrivent dans un contexte sociale plus que tendu au Brésil depuis mars 2013. Alors que des milliards sont dépensés pour la coupe du monde de 2014 et pour les jeux olympiques de 2016, presque aucun investissement n’est fait pour les services publics, pour régler la pauvreté, bref pour assurer la dignité de l’ensemble des citoyens brésiliens…

Mais laissons la conclusion a Michel Platini qui a déclaré sans rire : « s’ils pouvaient attendre un mois pour faire des éclats sociaux, ça serait bien pour le Brésil et pour la planète football ! ».  En d’autres termes :  «merde les pauvres, ayez la décence de crever en silence bordel, vous allez gâcher le spectacle! ».