Les nouveaux chiens de garde du néolibéralisme

 - Journalistes, intellectuels et experts économiques des grands médias-

 

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Chroniques n°1. Les nouveaux chiens de garde du néolibéralisme : les experts économiques à la télévision!

Qui sont les chiens de garde du néolibéralisme : les grands groupes financiers et industriels, les hommes politiques et les médias dominants. A l’intérieur des médias dominants, les chiens de garde sont classables en 3 catégories : les journalistes, les intellectuels qui ont des choses à vendre et les experts économiques.

Le sociologue Pierre Bourdieu déclarait naguère que « la télévision a une sorte de monopole de fait sur la formation des cerveaux d’une partie très importante de la population».  L’ancien PDG de TF1, Patrick Le Lay, déclarait quant-à-lui, que le rôle de TF1 est de vendre du temps de cerveau disponible à Coca-Cola. Bien sûr les acteurs majeurs des sphères polito-financières ont compris très tôt l’importance de maitriser les médias et surtout la télévision pour conditionner les masses. 

Alors j’ai appelé ma petite chronique « les nouveaux chiens de garde du néolibéralisme » en référence aux bouquins de Serge Halimi sortis en 1997 et 2005 ainsi qu’en référence au film documentaire du même nom sorti en 2011. Ces livres et ce film traite de tous les propagandistes médiatiques du néolibéralisme, au Journalisme de révérence et de connivence au service des puissants, et aux noyautages des journaux par les grands groupes industrielles et financiers (Dassault : Figaro, Lagardère : le Monde, Rothschild : Libération).

Parmi les idiots utiles (ou les chiens de garde) du néolibéralisme, je vais me focaliser uniquement ce soir, sur les « experts » économiques de la télévision.

Depuis quelques années, on assiste en effet à une explosion des sujets « économiques » dans les médias (que se soit dans les émissions politiques ou dans les émissions de variété).

Pour le journaliste de télévision, l’expert économique (parisien) qu’il invite, doit absolument être partisan de l’économie de marché néolibéral. Actuellement une vingtaine de ces experts parisiens  tournent en boucle sur les écrans et distillent le prêt-à-penser du néo-libéralisme. Présentés comme économistes, ils sont presque tous impliqués dans la banque et la finance, et plus globalement dans le monde de l’entreprise en tant que conseiller ou administrateur. Ils sont donc juges et parties du monde financier qu’ils analysent(1).  

Certaines voix (malheureusement trop peu audibles) critiquent depuis longtemps la proximité de certains économistes avec le pouvoir financier, leurs relations incestueuses avec le pouvoir politique, et leur omniprésence médiatique. Élie Cohen par exemple, directeur de recherche au CNRS et enseignant à Sciences Po Paris, est aussi administrateur d’Orange et du groupe Pages Jaunes (on le voit donc mal critiquer des restructurations chez orange-France Telecom par exemple…). Il n’est donc pas étonnant que ces nouveaux Chiens de garde, fidèles à leur niche, justifient l'austérité pour le peuple et défendent les privilèges pour les riches.

Alors, quelle crédibilité pouvons-nous leur accorder? Ces soit disant experts n’avaient pas su anticiper les énormes crises économiques récentes: celle des subprimes aux États-Unis, et celle de « la zone euro » et continuent de vanter les bienfaits de l’économie néolibérale. Pensons à Attali qui estimait en 2008 que l’Italie, le Portugal et la Grèce  avait mené avec succès des réformes courageuses. Alain Minc a déclaré, en 2008, que « le système financier est très bien régulé » et que le « risque de grand dérapage est passé ». Dans le chaos de la crise financière, l’opinion publique devrait donc demander des comptes à ces économistes foireux, du genre: « Vos préconisations sont-elles entachées d’un quelconque lien de dépendance avec le monde financier?». Au fond, que tous ces experts aux épais portefeuilles se trompent n’a aucune espèce d’importance. L’important est qu’ils parlent tous d’une même voix et que les médias leur mangent dans la main (2) et (3).

Pour conclure, les journalistes stars, les experts économiques et les intellectuelles des grands médias font partie de la même famille que celle des hommes politiques dominants (4). D’ailleurs ils ont fait les mêmes écoles (Pujadas et Copé étaient ensemble à Sciences Po par exemple), habitent les mêmes quartiers, se marient entres-eux, etc… Il est donc naturel qu’ils s’entre-aident et fassent preuve d’une grande connivence. Pourtant, en dehors des médias dominants, il existe énormément de voix dissonantes. Parmi celles-ci je passerai sur les remèdes préconisés par les zapatistes, mais je pourrai par exemple parler du « feu » sociologue Pierre Bourdieu, de l’écrivain et journaliste Serge Halimi, du linguiste et philosophe Noam Chomsky, du journaliste Daniel Mermet, et puisqu’on parle des experts économiques, d’un homme qu’on ne voit jamais à la télé... le prix Nobel d’économie (en 2001) joseph Stieglitz. Il remet notamment en question, l’idée qu’il existerait une « main invisible » (Adam Smith) qui permettrait aux marchés de s’autoréguler et qu’en cherchant son intérêt personnel, chacun contribuerait à l’intérêt de tous (5). Bref, je ne vais pas vous faire un topo sur Stieglitz ce soir, mais je pourrai vous montrer que les préconisations de ce  prix Nobel d’économie sont en totale opposition avec celles nos experts parisiens des médias, ces propagandistes du néolibéralisme. Alors même s’il est illusoire de penser qu’une autre voix puisse être entendue sur les médias dominants, je trouvais nécessaire, personnellement, d’utiliser ce minuscule média-radiophonique alternatif (Radio Mon Païs) pour participer à faire entendre un autre son de cloche…  

Remarques :

(1)Quelques-uns dominent ce cercle des économistes médiatiques: Alain Minc, Jacques Attali ou Jean-Hervé Lorenzi, pilier de la banque Rothschild et président du Club des économistes, extraordinaire réseau d’influence des intellectuels de la finance.

(2)Pour façonner les experts de demain, il faut créer des nouvelles universités, totalement branchées sur la logique du monde des affaires. C’est ce qui s’est passé à Toulouse par exemple avec la création de la Toulouse School of Economy . Grâce aux grands investisseurs (Axa, Caisse des dépôts, La Poste, Total etc.), l’argent s’est déversé à coups de centaines de milliers d’euros. L’important est que la recherche théorique, fondamentale et  appliquée soit entièrement sous la coupe de l’entreprise privée et du système bancaire.

(3)Bourdieu a montré que les dispositifs des émissions télévisuelles sont structurés d’une manière telle qu’ils engendrent une puissante censure de toutes les paroles critiques de l’ordre dominant.

(4)Le plus sidérant est qu’une bonne partie de ce personnel s’est mise à disposition de François Hollande durant la dernière campagne présidentielle et ont fait partie de son cercle de conseillers (celui qui déclarait, pendant cette même campagne, que son principal ennemie était le monde la finance!). 

(5)Pour démontrer simplement la défaillance du système néolibéral, Stieglitz rappelle que les inégalités ont atteint aux États-Unis un niveau inédit ces dernières années. En effet, actuellement les plus aisés (1% de la population) s’enrichissent au détriment des 99% restants (les pauvres et les classes moyennes). Pour Stieglitz, ce système est non seulement injuste mais est en plus totalement inefficace. «Dans la période où l’inégalité a augmenté, la croissance a ralenti», constate-t-il, alors qu’à l’inverse, elle a été forte «dans les périodes où l’inégalité a été faible et où nous avons progressé ensemble». À ceux qui préconisent notamment des «marchés du travail flexibles», Stieglitz répond que, au contraire, avec une forte protection des salariés, «on aura une population active de meilleure qualité». Bref un prix Nobel d’économie en totale opposition avec nos experts parisiens médiatisés.

 

Chroniques n°2. Les nouveaux chiens de garde du néolibéralisme : les Journalistes (part 1: l'univers médiatique)

Dans la précédente chronique sur les nouveaux chiens de garde de l’ordre libéral, je vous avais parlé des experts économiques à la télévision (et à la radio aussi) et nous avons montré qu’ils étaient juges et parties du monde financier qu’ils analysent (ils ont tout intérêt à défendre des idées économiquement libérales). Aujourd’hui je vais vous parler des journalistes des grands médias. C’est un sujet tellement vaste que ça fera l’objet d’au moins 2 chroniques. Et encore là je me concentre surtout sur la télévision et j’écarte le sujet de la presse écrite qui est en train de disparaître d’être accaparée par des marchands d’armes, des banquiers, des industriels de tout poil. Donc aujourd’hui ça sera l’introduction uniquement, je vais vous parler de l’univers dans lequel  ils évoluent. Leur environnement. Mais d’abord je vais vous raconter une petite histoire.

Il était une fois une époque révolue où la France n’avait qu’une seule chaine de Télévision : la première chaîne de L’ORFT. Le ministre de l’information (Alain Peyrefitte) venait parfois en direct dans le journal de Léon Zitrone, expliquer les changements à venir en matière d’information. Heureusement on en est plus là aujourd’hui et tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Aujourd’hui les chaines de télévision se sont multipliées ! Bon ok le président de France Télévision (France 2, 3, 4, 5 et Ô) est nommé directement par le président de la république ok… bon d’accord le président du CSA est nommé par le président de la république, du sénat et de l’assemblée nationale, bon  ok ! Mais ça va quand même mieux non ?

Bon ok les chaînes privées appartiennent à des grands groupes financiers.  L’actionnaire principal de TF1 est Bouygues (Martin est le parrain du 2ème fils de Sarkozy).  Canal+ appartient à 100% à Vivendi dont Vincent  Bolloré est vice-président du conseil de surveillance (ami avec Sarkozy et proche de la mairie de Paris de Delanoë par ailleurs).I-télé appartient à Canal +.  Le groupe Bolloré détient par ailleurs Direct 8 à 100%. L’actionnaire principal de M6, de W9, de série Club, de Girondin TV est RTL Group, un conglomérat de médias luxembourgeois, premier producteur d’émission au monde ! Groupe qui détient également les Radio RTL, RTL2, Fun Radio en France. BFM TV fait partie de Next Radio TV dont le PDG est Alain Weil qui dirige aussi RMC et qui est l’ancien directeur du Group NRJ. Une citation de l’artiste : « Je suis un véritable libéral sur le plan économique autant que sur celui des idées. ». Au moins on sait à quoi s’attendre avec lui et sa chaîne de propagande en continu! Bon mais il y a aussi du positif, bordel ! Et Arte alors, c’est d’la merde !? Je rappelle que c’est une chaine publique binationale qui n’a pas obligation de faire des bénéfices et qui régulièrement distille des informations de qualités, oui, môsieur ! Si je peux me permettre, un tout petit bémol quand même pour cette chaîne Ô combien magnifique, Bernard Henry Levy est le président indéboulonnable du conseil de surveillance de la chaîne depuis 1993. A l’époque Mitterrand avait permis sa nomination et en 2009 Nicolas Sarkozy a appuyé sa 5ème reconduction (je rappelle que le petit Bernard est également membre du conseil de surveillance du Monde, il est actionnaire de Libération, il dispose d’une chronique hebdomadaire dans Le Point. Bref je ferai un portrait complet de ce chien de garde plus tard…). Je ne sais pas s’il y a un lien avec Bernard, mais toujours est-t-il que même sur Arte il y a visiblement parfois de la censure et notamment dernièrement dans une émission de 28 minutes consacrée à la Grèce, où certains propos d’une intervenante ont été coupé au montage (propos concernant les vrais bénéficiaires de l’aide à la Grèce, c’est à dire les banques).

Bref pour conclure pour aujourd’hui, alors que je n’ai même pas encore vraiment commencé à parler des journalistes, si on se souvient de ma petite historie du début sur l’ORTF, on peut dire qu’aujourd’hui le monde a changé, il n’y a plus un véritable rapport maître-esclave entre les dirigeants politiques et journalistes. Cela dit c’est normal, ce ne sont plus vraiment les hommes politiques qui dirigent aujourd’hui (contrairement à l’époque de De Gaulles), mais plutôt les grands groupes financiers… et donc on a un rapport qui est maintenant plus équilibré, voir même familial entre les journalistes et les politiques (d’ailleurs on ne compte plus le nombre de mariages entre ces deux familles, au sens propre ou figuré !). Finalement je ne suis pas sûr  que ce soit, non plus, une bonne nouvelle pour la démocratie, et la qualité de l’information !

Aujourd’hui les journalistes sont malheureusement là pour donner une image du monde, conforme aux intérêts d’une classe à laquelle ils appartiennent (dans cette classe il y a aussi les politiques, des économistes, des intellectuels, des dirigeants d’entreprises, etc… bref, plein de chiens de garde).  Ils sont donc là pour faire la propagande de certaines idées (consciente ou inconsciente d’ailleurs) et on verra dans la prochaine chronique, comment ils s’y prennent.

 

Chroniques n°3. Les nouveaux chiens de garde du néolibéralisme : les Journalistes (part 2: les techniques de propagande)

Dans la précédente chronique je vous ai parlé de l’univers médiatique dans lequel baignent les journalistes de télévision.  Un univers où le patron des chaînes publiques et du CSA sont nommés par le président de la république et où les chaînes privées sont la propriété de grands groupes industriels et financiers.  Je n’ai pas évoqué la presse écrite, mais si on parle des journaux de référence, il faut noter que Rothschild est désormais l’actionnaire de Libération, Dassault possède le Figaro et Lagardère est dans le capital du Monde. Ces grands industriels ne se sont évidemment pas emparés de ces journaux pour qu’ils les critiquent mais pour augmenter leurs sphères d'influence et leurs portefeuilles indirectement…

Aujourd’hui je vais donc vous parler des techniques de propagande utilisées par les journalistes des grands médias. Mais d’abord un petit mot sur la propagande. Une propagande efficace, est une propagande qui ne se voit pas (ou pas trop). Dans une dictature, le contrôle des esprits est inutile, il y a les armes pour ça, la propagande est donc généralement grotesque (sauf peut être la propagande hitlérienne). Dans une démocratie de marché comme la notre en revanche, où se sont les marchés qui dirigent, on n’a pas vraiment le droit de tuer les gens qui ne pensent pas bien, et donc la propagande est beaucoup plus utile et par conséquent beaucoup plus fine.

Il y a deux types de propagande libérale : la propagande propagée consciemment et celle diffusée inconsciemment. Alors tout d’abord, comment peut-on expliquer la propagande diffusée inconsciemment. Une première piste, c’est le décrochage de ces journalistes avec le peuple. Parlant des journalistes de son pays, un syndicaliste américain a observé: "Il y a vingt ans, ils déjeunaient avec nous dans des cafés. Aujourd'hui, ils dînent avec des industriels." En France l’évolution est similaire. Dans les années 50,  les reporters gagnaient à peine plus que leurs voisins de quartier, les ouvriers. Et puis à partir des années 80, les journalistes stars sont apparus. En ne rencontrant que des "décideurs", et en ne baignant que dans le monde de l’argent et  de la politique, ils se sont peu à peu transformés en machine à propagande de la pensée de marché, malgré eux. Il est d’ailleurs tout à fait logique qu’ils fassent la propagande des idées conforment à celles de leur nouvelle classe sociale. Avant d’arriver à la télé, ils ont fait les mêmes écoles que les politiques ou que les grands industriels et habitent désormais les mêmes quartiers, mettent leurs enfants dans les mêmes écoles, etc..

Ensuite il y a la propagande véhiculée consciemment.

Une technique de propagande très commune est l’utilisation du fait divers. Le fait divers fait diversion, disait Bourdieu. C’est totalement idéologique puisqu’il attire l’attention sur l’anodin et la détourne de l'essentiel. On se souvient que Sarkozy utilisait beaucoup le fait divers. Chez les journalistes, un des maîtres du genre est bien sur  J.P Pernod.   Mais il n’y a pas que lui, même dans les journaux de « référence » on utilise le fait divers. Le monde consacra par exemple 3 unes à la mort de Diana. Edwy Plenel alors directeur de la publication du monde avoua que 82 salariés du Monde étaient mobilisés sur Loft Story, contre 15 au Proche-Orient ! Alors bien sur que cela intéressait les gens puisque les médias ne cessait d’en parler. Mais on se serait peut être intéressé à d’autres sujets si les médias leur avaient consacrés autant de temps et d’argent! En utilisant le fait divers, les journalistes ont aussi leur part de responsabilité sur le score de Le Pen en 2002 (à l’élection présidentielle). Les  derniers mois avant l’élection présidentielle les faits divers relatifs à l’insécurité furent médiatisés 2 fois plus que l’emploi et 8 fois plus que le chômage, alors qu’aucune augmentation du nombre de crimes n’avait été constatée. Alors pourquoi utiliser ce thème? Parce que l’audience est garantie, les sujets faciles à fabriquer  à faible coup et les hommes politiques adorent aborder ce thème dans les périodes électorales.

Une autre technique est la propagande par omission. La censure de certains sujets.  L’impertinent Karl Zero par exemple, a admis qu’à Canal + il y avait 3 sujets qu’il avait interdiction formelle d’aborder dans son vrai journal : le foot, le cinéma et la CGE (l’ex vivendi)… sa liberté de ton s’effaçait donc devant les intérêts économiques de la chaîne. Et puis comme François Pinault était actionnaire à 39% d’un mensuel lancé par Karl Zero, ce dernier avoua à un journaliste du Point (propriété de Pinaud également): « évidement je ne vais pas attaquer François Pinaud bille en tête !».  

Mais Je ne vais pas m’acharner sur Karl Zero, il n’est pas le seul à pratiquer l’autocensure assumé.

Une autre technique est de n’aborder  qu’une facette d’un sujet. Avec un point de vu qui va dans le sens du Patronat,  plutôt que celui du salarié, dans le sens du consommateur plutôt que dans celui du travailleur ou dans le sens du travailleur plutôt que dans celui du gréviste. Un maître du genre est Jean-Pierre Pernod, qui ne traite les grèves qu’en ne présentant des conséquences tragiques sur les transports, et la galère en perspectives pour les honnêtes travailleurs pris en otage par des syndicalistes néo-bolcheviques. Les raisons de la grève en revanche, il n’en parle jamais Jean-Pierre.

Autre technique : utiliser un expert. Au nom de sa légendaire objectivité, le journaliste, tout Jean-Pierre Pernod qu’il soit, ne peut directement dire que l’économie néolibérale, c’est quand même la classe à Dallas ! Alors il s’entoure d’experts, économiques notamment, qui eux, sans complexe, vont propager l’idéologie.

En conclusion, nul besoin de grand complot pour propager l’idéologie libérale, il suffit pour les journalistes d’avoir des intérêts communs avec les hommes politiques et les milieux économiques et financiers (intérêts économiques) et si en plus on a des origines sociales communes c’est encore mieux. Dans la prochaine chronique on parlera justement de cet univers de connivence entre journalistes, économistes, intellectuels et hommes politiques.

Chroniques n°4. Les nouveaux chiens de garde du néolibéralisme:: la connivence

Dans la précédente chronique je vous ai parlé des techniques de propagande utilisées par les journalistes des grands médias pour véhiculer l’idéologie libérale dominante. Aujourd’hui on va élargir le cercle des chiens de garde et parler de la connivence qui existe dans ce minuscule microcosme idéologique.

Pour être un bon chien de garde de la pensée libérale qui dure, il faut bien sur une certaine révérence par rapport au pouvoir (sinon on a peu de chance d’être choisi pour interroger ou pour conseiller le président de la république par exemple). Cela fait bien sur partie des qualités des Jacques Attali, Alain Minc, Alain Duhamel, Finkielkraut, B.H.L, etc… Mais bon, des tas d’autres gens feraient aussi bien l’affaire que ces indéboulonnables. Pour durer il faut également se serrer les coudes, pratiquer le renvoi d’ascenseur, bref faire preuve de connivence avec tous les autres « chiens » pour être sur de garder sa niche. En tout, ils sont une petite trentaine de pénibles, toujours les mêmes, à être omniprésents dans les médias (Télé, Radio, Presse).

Avoir une tribune dans le Figaro, sur RTL ou sur Europe 1 par exemple, garantit presque toujours qu’on s’en verra proposer une autre si on se comporte bien (dans le Point, l’Express, le Nouvel Observateur, Paris Match, etc…). Par exemple Alain Duhamel ex Giscardien, Barriste, Balladurien, Jospinien, etc… présida le comité éditorial d’Europe 1 avant de migrer sur RTL. Il écrit des chroniques pour Libération, le Point, le Courrier de l’ouest, Presse-Océan, l’éclair, le Maine Libre, Vendée-Matin. Entre 2002 et 2003, 143 de ses commentaires radiophoniques furent cités dans le Monde, dirigé à l’époque par son vieil ami Colombani.  Et puis il sort régulièrement des livres pour dire tout le bien qu’il pense des puissants et de l’Europe libérale (puissants qui le lui rendent bien…).

Et puis si on parle de la promotion des livres des chiens de garde par les chiens de garde eux même,  on peut aussi citer Alain Minc par exemple, président du conseil de surveillance du Monde (entre autres casquettes) et ami des puissants. En 1999 il écrit un livre sur Spinoza. Colombani directeur du Monde et ami de Minc, demande à Jean Daniel, l’essayiste, d’en rendre compte dans le Monde. Jean Daniel écrit une bonne critique du bouquin et, singulière coïncidence, Alain Minc trouva ensuite très bon le livre de Jean Daniel sur le Judaïsme. C’est le tour de B.H.L, un vieux copain, qui encense Alain Minc dans le Figaro. Minc lui renvoie l’ascenseur, etc., etc., etc.

Et là si je commence à parler de B.H.L qui commet régulièrement des livres, à chaque fois encensés par tous ses complices (intellectuels, industriels ou hommes politiques) on en a pour une chronique entière (donc je m’attaquerai au système B.H.L la prochaine fois).

La connivence, la confraternité offre bien sur des avantages mais impose quelques exigences : on ne dit pas du mal des médias dans les médias, sous peine d’être évincé de certains plateaux de télé, d’émissions de radios ou de ne plus avoir de tribunes dans les journaux. Serge July qui a pourtant mis énormément d’eau dans son vin depuis sa jeunesse rouge, perdit par exemple le droit « d’affronter » Philippe Alexandre sur TF1 lorsque Libération critiqua cette chaîne.

Pour conclure, l’impact principal de la connivence dans les médias et de cadenasser  les débats d’idée en faisant retentir partout le même son de cloche libéral (dans la Presse, à la  Radio, à la Télé). Il participe à l’appauvrissement du débat public même s’il existe de minuscules autres sons de cloches que certain parviennent à percevoir au loin. L’objectif de ces chiens de garde étant d’utiliser leurs médias pour imposer leurs livres, leurs idées,  leurs produits (et ceux de leurs amis). Pierre Bourdieu a écrit qu’en d’autres univers, ces méthodes auraient pour nom corruption, concussion, malversation, trafic d’influence, concurrence déloyale, collusion, entente illicite ou abus de confiance. En France, on parle simplement de « renvoi d’ascenseur ».

Dans la prochaine chronique je vous parlerai du système B.H.L qui est un modèle pour tout chien de garde qui se respecte.

Chroniques n°5. Les nouveaux chiens de garde du néolibéralisme: le système B.H.L

Après mes  chroniques sur les experts économiques,  les journalistes, la connivence entre chiens de garde, aujourd’hui je vais vous parler de l’homme omniprésent, omniscient, omnipotent, le number one : B.H.L (c’est en fait un peu la suite de ma chronique sur la connivence). B.H.L l’auteur, l’éditorialiste, l’éditeur, l’ami des propriétaires de journaux, le conseiller d’hommes politiques, membre du conseil de surveillance d’Arte et du Monde, producteur de films, financeur de médias, l’intellectuel engagé (mais toujours engagé du côté du pouvoir en place)! Bref quelqu’un qui possède un réseau de pouvoirs et d’influences hors du commun en France. Il a acquis très jeune, à 27 ans en 1976, le statut (autoproclamé) de "nouveau philosophe" qui lui a permis l’introduction permanente dans les grands médias.

Tous les deux ans (voire moins), la publication d’un livre de Bernard-Henri Lévy mobilise les médias. A chaque fois ces livres sont encensés par ses complices.  Pourquoi ? Pour la qualité de sa plume ? J’ai un sérieux doute sur le sujet, étant donné que la plupart des critiques extérieures à son réseau de connivence mettent généralement en lumière son manque de profondeur, son amateurisme, ses erreurs, etc…  Quand ses amis voient en lui un philosophe unanimement reconnu, les philosophes eux, peinent à distinguer chez lui, une œuvre quelconque dans ce domaine (il n’enseigne pas, il ne développe pas de concepts philosophiques, etc…). B.H.L n’est pas un philosophe, c’est un homme d’affaire talentueux, comme l’était son père. D’ailleurs il doit d’abord sa fortune à l’entreprise familiale, puis à ses multiples tribunes dans les médias dominants français de ses amis actionnaires (Pinault, Lagardère, Arnault.). Alors pourquoi ça marche ? Les réseaux (suivez merde!).  La stratégie de B.H.L commence dans ces comptoirs de promotion. Au Point par exemple, B.H.L écrit un « Bloc-notes ». Dans ce « Bloc-notes, les amis de Bernard voient leur production saluée quel qu’en soit le sujet. Parmi ses amis on peut citer, Jorge Semprun, Arnaud Lagardère, Françoise Giroud, Edwy Plenel, Alain Minc, François Pinault, Jean-Marie Colombani, Anne Sinclair, Franz-Olivier Giesbert, Thierry Ardisson, Karl Zéro, Michel Drucker, Jean-Pierre Elkabbach, etc, etc….

Autant de relais qui vont évidemment spontanément s’activer quand B.H.L achèvera sa dernière œuvre.  La toile qu’il a tissé est énorme, ses appuis médiatiques vont de Voici à France Culture en passant par Arte et la quasi totalité des médias détenu par Hachette-Lagardère. Concernant France Culture par exemple,  3 émissions furent consacrées la même journée à son roman enquête sur le journaliste américain Daniel Pearl, un de ces bouquins les plus  encensés par les médias français. Aux Etats-Unis curieusement ce livre n’a soulevé aucun enthousiasme.  Dans « la New-York Review of Books », un chroniqueur littéraire note : « il a visé beaucoup trop haut, eu égard à ses compétences » !

En conclusion, ce qui est intéressant chez B.H.L ce n’est pas son intelligence… de ce point de vu, c’est un personnage relativement accessoire  qui raconte souvent n’importe quoi et cela depuis plus de 30 ans.  Ce qui est passionnant, c’est sa virtuosité à constituer des réseaux d’influences (qui vont donc des intellectuels, aux industriels en passant par les hommes politiques et les médias). En cela il est totalement en phase avec le capitalisme français qui est maître dans l’art de constituer des « noyaux durs » (Pinault, Dassault, Rothschild, Lagardère, etc… ). Et pour souligner sa proximité avec les grands capitalistes français, au décès de son ami Jean-Luc Lagardère, homme influent du monde des médias et de l’industrie de l’armement, c’est lui, Bernard Henry qui prononça l’hommage final. A ces obsèques, il y avait aussi le 1er ministre, 5 anciens 1er ministre, les ministres de l’intérieur, de la Défense, de l’Education, du Budget, de la Culture, la moitié des patrons du CAC40, le président du Medef, du CSA, Elkabbach, Michel Drucker, Claire Chazal, etc…    

A propos de décès d’ailleurs, évoquant celui de Sartre dans son livre « le siècle de Sartre (dont il se présente un peu comme l’héritier, ne riez pas s’il vous plait), il prétend que pendant les funérailles du grand philosophe, il était posté en bas de son immeuble et, il écrit : « Mon regard a compté jusqu’à ce neuvième étage où je m’étais parfois rendu ». Malheureusement pour lui, Sartre n’habitait pas au 9e mais au 10 et B.H.L ne s’était bien entendu jamais rendu chez lui. Pour finir, je citerais Katha Pollit, féministe, poète, essayiste et critique américaine qui écrit dans The Nation, à propos de B.H.L et de la France: « La bêtise prétentieuse est la pire chose que vous nous ayez exportée depuis la vache qui rit gout pizza » !  Malheureusement B.H.L n’est pas seulement ridicule mais est aussi dangereux, via son extraordinaire réseau d’influence !